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LE MOUVEMENT DES AGRICULTEURS : quand la campagne investit la ville

Stickers distribuées aux adhérents de la FDSEA en collaboration avec les jeunes agriculteurs (2020)

Depuis quelques années, les agriculteurs français ont le sentiment que leur profession fait l’objet d’attaques, de critiques et de dénigrement, d’où l’émergence du terme anglophone “agribashing” qui désigne un dénigrement systématique de l’agriculture dans les médias, plus particulièrement. Ce sentiment s’accompagne d’une incompréhension générale des mesures prises par le gouvernement français en ce qui concerne leur revenu, la valorisation de leur production ainsi que les restrictions au nom d’un bien-être et d’un confort du consommateur français. 

Pendant longtemps préservée, l’agriculture française est mise à mal par les derniers accords et mesures prises. Au-delà du phénomène d’agribashing faisant allusion à la non-valorisation de la production française, l’accord du CETA passé avec les Etats-Unis et le Canada, questionne la place du produit français. Le CETA plus communément appelé en français l’Accord Économique et Commercial Global est un accord de libre-échange facilitant le transport entre les états membres. D’un abord avantageux et prospère, il n’a pas reçu le même accueil chez les agriculteurs européens et notamment français qui voient en cet accord un laissez-passer des productions étrangères au détriment des leurs. Que ce soit en matière de productions, de cadences de traitement ou encore de techniques de travail, ce sont deux mondes qui s’opposent. 

Dernièrement encore, les agriculteurs français ont contesté le projet de ZNT (Zones Non Traitées) aujourd’hui adopté. Cette mesure consiste à l’interdiction de traiter à proximité de zones habités ou encore de culture à risque (viticole, fruitière,…). Les ZNT varient entre trois et vingt mètres. Les agriculteurs sont réfractaires à ce nouveau projet puisqu’ils voient leur surface d’exploitation maximale se réduire. En effet, les villes et les villages s’étendent sur la campagne, les surfaces agricoles diminuent au fil des années et l’ajout de ces ZNT ne résout pas ce fléau. Beaucoup se questionnent sur l’utilisation de ces zones où il est défendu de traiter.

Le projet de ZNT ne cesse de faire couler de l’encre, entre d’un côté les agriculteurs qui voient leur surface agricole se réduire entraînant la réduction de leur revenu voir même la cessation de leur activité, et de l’autre, les riverains inquiets de la présence de produits phytosanitaires à proximité de leur maison et les activistes écologiques. 

Mobilisation du 8 octobre 2019 sur l’autoroute A4 en Alsace

Du Nord à l’Alsace, les agriculteurs français se sont mobilisés contre “l’agribashing, les accords commerciaux qui visent à importer l’alimentation et les distorsions de concurrence qui tuent à petit feu l’agriculture française” selon les organisateurs. Le 8 octobre dernier, se tenait une journée de mobilisation nationale de la profession agricole. Elle est portée par les grands syndicats agricoles comme la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), le syndicat des jeunes agriculteurs ou le Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux) qui réunissent un grand nombre d’adhérents. D’ailleurs, ils n’hésitent pas à relayer leurs actions par le numérique, notamment par les réseaux sociaux comme Facebook ou Youtube.

Lors de cette journée de mobilisation, les agriculteurs se sont emparés des moyens qu’ils ont à leur disposition pour faire entendre leur voix : des centaines de tracteurs sont descendus des villages vers les villes afin de bloquer les axes routiers majeurs et les autoroutes. Le symbole est puissant, les agriculteurs utilisent leurs outils de travail, les tracteurs, afin de dénoncer les injustices qu’ils subissent. Sur les fourches à l’avant des engins qui n’apparaissent jamais dans le paysage urbain, de grands panneaux sont accrochés où l’on peut lire des slogans poignants : “France, veux-tu encore de tes paysans ?”. Pourtant la France, de par son histoire, doit beaucoup à son agriculture. En 2016, 51% du territoire français est une zone agricole. 

Tracteurs réunis à Lille le 22 octobre 2019

A Saint-Omer, les agriculteurs investissent la ville bien plus qu’avec leurs tracteurs. Chargés de terre, ils l’ont déversée sur la place avec le message suivant : “Cultivons le centre-ville puisque l’on ne veut plus de nos agriculteurs dans les champs !”. Un tel acte a la prétention de se faire remarquer et de susciter l’intérêt des passants et des représentants politiques. Les agriculteurs utilisent les outils de travail de tous les jours qu’ils détournent et transforment en ressource lors des mobilisations. Lien vers la mobilisation des agriculteurs à Saint-Omer : https://www.youtube.com/watch?v=zbklnNzynr0

Cet article a été rédigé par @Coeurohetagere et @Ajoutjeutisse.