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La précarité étudiante au temps d’une pandémie

Par Lisa Peyronne et Valentine Fabre

La réalité du manque de moyens dont font face les étudiant.e.s ne date pas d’hier. On se souvient notamment, en novembre dernier, d’un étudiant lyonnais qui s’est immolé pour dénoncer la situation critique dans laquelle il se trouvait. Son action avait relancé la question de la précarité et les associations étudiantes avaient attendu des retours de la ministre de l’Enseignement supérieur. 

Quelques mois plus tard, à cause de la pandémie mondiale, le sujet revient sur le devant de la scène. Comment gérer un confinement lorsque les ressources sont absentes et que l’aide apportée aux plus démunis ne peut plus prendre place ? 

Bien que beaucoup d’étudiants soient retournés dans leur domicile familial, certains d’entre eux n’ont pas pu se payer des billets de dernière minute et doivent vivre leur confinement seul et souvent dans des surfaces très réduites. Pour ceux et celles qui auraient pu rentrer, les APL continuent à être versées durant cette période et les résident.e.s des cités universitaires du CROUS qui auraient quitté leur chambre, sont exemptés de loyer jusqu’à fin juin. 

Cependant, malgré ces quelques mesures, la situation n’est pas vivable pour un nombre considérable d’étudiant.e.s. Cette crise sanitaire a entraîné la fermeture des restaurants universitaires, qui, avec des repas complets plafonnés à 3,30 euros permettaient à beaucoup de se nourrir correctement. La plupart de ces restaurants ont d’ailleurs distribués toutes leurs denrées au début du confinement pour permettent aux étudiants de manger convenablement pour quelques jours. La Croix-Rouge et les Restos du Coeur continuent les distributions de paniers-repas et d’aliments de première nécessité, mais les stocks ne sont pas assez conséquent pour tenir plus de 3 ou 4 jours. 

Il y a aussi l’arrêt des jobs étudiants, certains d’entre nous cumulent plusieurs emplois pour réussir à finir les mois. Le chômage partiel n’est pas indéfini et l’insécurité économique ne fait qu’accroître plus le temps passe. Bien que Frédéric Vidal est annoncé un déblocage de 10 millions supplémentaires pour les aides spécifiques d’urgence, que certaines universités versent des aides spéciales, la situation économique des étudiant.e.s les plus précaires est incertaine et ne leur permet pas d’apaiser leur quotidien durant cette période difficile. 

Toutes les personnes étant restées dans leur chambre universitaires ou leur appartement, seul.e et dans un espace restreint lancent des appels à l’aide au gouvernement pour que la situation soit débloquée dans les plus brefs délais. Un appel auquel Macron a répondu lundi 13 avril lors de son allocution télévisée. Il a alors annoncé la mise en place d’une aide exceptionnelle pour « aider les familles et les étudiants les plus modestes ». Une aide dont on ignore toujours les détails et la date de son arrivée. Jessica, une étudiante interviewée par Europe 1, témoigne au lendemain de cette annonce : « Une fois que j’ai payé mon loyer, concrètement il me reste vingt euros. Depuis l’annonce du confinement, mon quotidien a totalement changé. Je travaillais avec trois jobs étudiants et là je n’en ai plus qu’un, qui est un maigre revenu, une centaine d’euros par mois. Donc tout s’écroule ». Une situation précaire qui l’oblige à ne manger « que du riz ou des pâtes qui me sont livrés par la banque alimentaire au travers de l’association » et à ne faire « qu’un seul repas par jour ».

Le projet pour cette aide a été étudié en conseil des Ministres, qui a annoncé que le gouvernement débloquerait 1 milliard d’euros pour aider les étudiant.e.s précaires. Le plan plus précis sera donné dans le courant de la semaine pour fixer le montant et les modalités d’obtention de cette « prime » qui sera versée comme une prestation sociale. 

L’annonce de la prolongation du confinement jusqu’à mi-mai (dans le meilleur des cas), angoissent ceux et celles qui n’ont, pour le moment, pas les moyens de survivre dans de telles conditions. Une peur légitime et ignorée depuis trop longtemps par l’ensemble des dirigeants. Le flou des délais de mise en place des aides promises ne fait qu’empirer la situation. Une situation déjà insupportable, qui poussent les étudiant.e.s à se mettre en danger physiquement et psychologiquement. 

Quelques chiffres *: 

  • Près de 23% des étudiants ont été « confrontés à d’importantes difficultés financières »
  • 50,8% déclare avoir dû se restreindre au moins une fois depuis le début de l’année
  • 46% des étudiants ont eu une activité rémunérée pendant l’année universitaire
  • Plus de 20% vivent sous le seuil de pauvreté (chiffre de l’Insee) 
  • Près de 20% présentent des « signes d’une détresse psychologique »

* d’après la dernière enquête « conditions de vie des étudiants » mené par l’Observatoire national de la vie étudiante en 2016. 

Ces chiffres sont parlant et ont été établis hors pandémie globale. Ils sont déjà très préoccupants. Le confinement est un catalyseur de tous ses problèmes liés à la précarité étudiante et des moyens doivent absolument être déployés au plus vite pour venir en aide à tout.e.s ces étudiant.e.s. 

Pour lire sur le sujet / témoignages : 

Témoignage d’un étudiant étranger précaire dans une résidence universitaire : 

Soutien téléphonique du bureau d’aide psychologique universitaire à Lille :