Écrit par @Lenny et @Morceaucanap
Il est possible d’affirmer qu’il n’existe pas de manifestation sans chansons. La musique ainsi que les cris de slogans sont des choses omniprésentes lors de ces rassemblements et semblent essentiels au déroulement d’une manifestation. En effet, il s’agit parfois de milliers de personnes qui se rejoignent au nom d’une cause commune pour réclamer des droits ; néanmoins ces personnes ne se connaissent pas et il semblerait que la musique soit un outil propice au rassemblement, créateur de lien social mais aussi déterminant un certain rythme dans la manifestation. Si les manifestations commencent souvent avec des musiques diffusées par des grosses enceintes sur des camions, elles sont aussi présentes tout au long du cortège pour créer une dynamique, voire une force et une cohésion de groupe. Comme dit précédemment, si les personnes ne se connaissent pas, elles savent pourquoi elles manifestent et sont amenées à connaître les paroles des chants cultes et ainsi les chanter à l’unisson. La musique devient alors une sorte de rite, une action collective par excellence. Dans un article sur Slate, le journaliste Quentin Girard affirme que “ Le fait de chanter ensemble matérialise très sensiblement la détermination des membres d’un groupe à agir de manière coordonnée. ”
Dans toutes les manifestations, on retrouve des morceaux symboliques dont les paroles sont ancrées dans l’esprit de la plupart des manifestants. On pourra penser notamment à des groupes tels que HK et les Saltimbanks, Sidi Wacho, Bérurier Noir, Soviet Suprem, Danakil ou le chanteur Saez mais aussi des chants emblématiques tels que “ l’Internationale ” ou “ On est là ”. À travers cet article, nous nous sommes intéressé.e.s au choix des musiques dans le sens où, si elles n’ont pas forcément été conçues pour les manifestations, certaines sont devenues de véritables hymnes ritualisés. Il semblerait que certains textes soient prédisposés à devenir des “ single ” de manifestation; c’est le cas de “On lâche rien” de HK, chanson qui sera adoptée comme hymne de campagne présidentielle par Jean-Luc Mélenchon en 2012. Effectivement, HK est un fils d’immigré qui écrit des morceaux sur les dérives d’une partie de la société avec les thèmes récurrents de l’exclusion sociale, les inégalités et la surconsommation.
Cet engagement politique est déjà présent dans la personnalité de l’artiste et partagé avec le monde entier à travers des chansons. Le groupe Bérurier Noir, se montre porte-parole d’une partie de la jeunesse dans leur morceau « Porcherie » avec le refrain « la jeunesse emmerde le Front national ».
Finalement les musiques choisies permettent de souder un lien entre les individus mais elles sont surtout élaguées pour ne garder que des slogans musicaux qui interpellent.
Les slogans détiennent aussi une place importante dans les manifestations dans le sens où ils sont courts, efficaces et répétés à plusieurs reprises pour fédérer le groupe.
Voici une liste non-exhaustive de nombreux slogans que l’on peut entendre :
– “ Anti- anti-anti-capitalistes ! ”
– “ Les vieux dans la misère, les jeunes dans la galère, de cette société-là, on n’en veut pas ! ”
– “ Un pas en avant, trois pas en arrière. C’est la politique du gouvernement. ”
– “ On est là, on est là, même si Macron [ne] le veut pas, nous on est là ! Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur, même si Macron [ne] le veut pas, nous on est là ! ”
– “ Et tout le monde déteste la police ! ”
– “ Ne nous regardez pas, rejoignez-nous ! ”
Les deux derniers slogans prennent davantage l’apparence de provocation.
En effet, le premier cherche une confrontation avec la police : on s’adresse à eux par l’intermédiaire de slogans et de chansons ce qui renforce le clivage entre les manifestants et les policiers. Le “ nous “ qui se crée est au détriment de l’autre, celui qui est à l’extérieur et qui est perçu comme l’oppresseur.
Le second est une invitation à participer à destination des civils qui observent la manifestation sans en prendre part.
Dans la plupart des manifestations il y a une fanfare. Si elle est présente, c’est dans un premier temps de part chaque individu engagé qui la constitue. Mais dans un second temps, la fanfare, souvent placée en début de manifestation, a pour rôle de lancer la manifestation, de lui donner un rythme mais aussi de s’allier aux chants des manifestants. En effet, les fanfares formées en manifestation sont composées essentiellement de percussions (batucada) qui permettent d’encadrer la marche. Si la fanfare joue un rôle d’apaisement avec de la musique joviale, qui fait danser les manifestants, elle peut aussi, de manière ambivalente, être oppressante. Plus la musique est violente, plus les manifestants seront agressifs, ou l’inverse. Lors d’une interview en octobre 2017 pour la radio Nova, un militant de la France Insoumise, Romain Jammes parle de l’importance de la musique dans les manifestations: “ La musique est là pour donner envie. Peut-être qu’on est là pour contester quelque chose qui se passe, pour réclamer, pour revendiquer une idée belle comme celle de la VIème république, mais il faut aussi qu’on fasse dans la joie et dans le dynamisme. ”
Articles en corrélation pour approfondir :
Site de la SACEM indiquant les lois concernant la diffusion de musiques dans l’espace public : https://clients.sacem.fr/autorisation-diffusion-musique-manifestation
Origines de l’hymne “On est là” : https://www.liberation.fr/checknews/2019/12/10/d-ou-vient-l-hymne-on-est-la-chante-dans-les-manifs-depuis-un-an_1768086
Qu’est ce que la musique apporte en manifestation ? http://www.slate.fr/story/28457/chansons-manifestations
La playlist musicale de la France insoumise avec les explications :
http://www.nova.fr/dans-la-playlist-des-manifs-de-la-france-insoumise