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El violador eres tu!

Depuis quelques mois sur internet, des vidéos de femmes les yeux bandés circulent. Elles se rassemblent, nombreuses dans différentes villes du monde pour danser et chanter contre le machisme et les violences qu’elles subissent. Du Chili à l’Espagne en passant par le France et les Etats-Unis, cette danse a pris de plus en plus d’ampleur jusqu’à devenir un véritable symbole féministe. 

“El violador eres tú. Son los pacos, los jueces, el Estado, el Presidente. El Estado opresor es un macho violador.” C’est au Chili que, pour la première fois, ces paroles ont raisonnées. Au milieu des manifestations qui agitent le pays d’Amérique du Sud depuis octobre 2019, un collectif féministe, qui avait au départ préparé une pièce de théâtre, annulée à cause des manifestations, transforme son idée de départ en une performance artistique et engagée en face du palais présidentiel à Santiago de Chile. Les yeux cachés par un bandeau noir et un foulard vert autour du coup elles répètent ce qui pourrait être assimilé à une flash mob. Cette tenue est reprise du mouvement féministe argentin ni una menos (en français “pas une de moins”) lancé en 2015 pour protester contre les violences faites aux femmes. Tout en entonnant ce chant anti violence, elles effectuent toutes ensemble une chorégraphie simple et très accessible que l’effet de groupe rend percutante. 

Après que cette performance ait été répétée plusieurs fois au Chili, notamment à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre 2019, qui avait réuni plus de 2000 femmes sur les marches du palais de justice de Santiago, la chanson a traversé les frontières. Elle s’est déplacée d’abord au Mexique et en Argentine, puis jusqu’en Amérique du Nord et en Europe, où fin décembre 2019, des françaises réunies place du Trocadéro à Paris chantaient ensemble “Le violeur c’est toi. Ce sont les pacos, les juges, l’État, le président. L’État oppresseur est un macho violeur”. 

La question qu’on se pose est “pourquoi” ? Pourquoi décider de danser et de chanter contre les violences faites aux femmes et non pas d’organiser des manifestations traditionnelles ou des actes plus “trash” comme en ont l’habitude les Femen ? Tout d’abord pour toucher plus de monde. La danse est un art connu de tous et toutes, bien plus accessibles qu’un écrit politique par exemple. C’était aussi, au Chili, une nouvelle manière de résister au milieu du mouvement social, dont la répression par le gouvernement a été plutôt violente. Les femmes ayant créées cette chorégraphie ont permis une revendication pacifiste et surtout ont évité une répression violente de la part de la police. C’est aussi pour cette raison que la performance a été aussi virale. Dans un contexte mondial de revendications sociales, il fallait renouveler les moyens de manifester et de revendiquer un désaccord. Ces femmes chiliennes ont tout simplement inventé une nouvelle manière de dire “non”, de dire “stop” reprise en France, notamment par les danseurs et danseuses de l’opéra de Paris. 

Ils avaient en effet décidé, suite aux nombreuses grèves qui ont agitées le pays début 2020, de proposer gratuitement et en place publique une représentation de la très célèbre danse du Lac des Cygnes. Cette chorégraphie avaient été reprises par de nombreuses professions: des avocats, des professeurs, des cheminots, pour se revendiquer grévistes. La danse est donc devenue grâce à ce collectif une nouvelle manière d’exprimer le désaccord.